Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/80

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quelle nourriture soutient l'âme et lui donne sa force ?

— Je suis embarrassé pour répondre, Socrate.

— La science, ô mon fils, la science de toi-même est la nourriture et la force de ton âme. Ta force est encore science.

Je ne trouvais plus de réponse ou plutôt, dans mon trouble, je ne trouvais pas les mots pour répondre.

Je sentais vaguement alors, je sais aujourd'hui avec précision que la science est une des puissances qui sont en nous ; mais, le désir en est une autre ; la crainte en est une troisième. La vertu que j'appelle souvent la force consiste à faire triompher la science sur le désir et sur la crainte. Palamède fut savant pour son malheur ; aussi Prométhée. Héraklès était moins savant, mais sa. force utilisait sa science moindre et il agissait mieux.

Si j'avais été capable, comme aujourd'hui, de dire clairement ces choses, je sais bien ce que Socrate aurait encore répondu. Il aurait affirmé que la science, quand elle est véritable, supprime le désir mauvais et crée un seul désir, celui de bien faire. Il aurait affirmé que la science, quand elle est véritable, supprime la crainte mauvaise et laisse subsister une seule crainte, celle de mal faire. Il aurait refusé le titre de savants ou de sophistes à Palamède et à Prométhée, pour le réserver à Héraklès le bienfaisant. Il m'aurait dit :

— Ton ancien maître Gorgias peut, avec, plus d'éloquence que Céramon parler du rabot, de la scie et des autres outils du menuisier, et aussi des bois que travaille le menuisier, et encore des divers ouvrages