Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/81

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réalisés par le menuisier, comme les tables, les bancs et autres choses semblables. Pourtant nous ne dirons pas que le savant menuisier s'appelle Gorgias, mais il s'appelle Céramon. Platon peut parler des lois, non écrites aussi bien que la jeune Antigone dans la tragédie de Sophocle. Mais il est capable de louer, comme Créon, les lois écrites. De sorte que tout son art est rhétorique, flatterie et faux semblant, non philosophie et science. L'homme, peut-être maladroit en paroles, qui observe les lois non écrites et s'oppose à l'injustice des lois écrites, celui-là est le savant philosophe, non point Platon.

Quelques-uns diront peut-être qu'entre Socrate et moi il n'y a qu 'uns querelle de mots. Quand, malgré la meilleure volonté, de telles divergences persistent dans le langage, ne manifestent-elles pas quelque désaccord profond, quelque différence essentielle dans cette partie ténébreuse de nous-mêmes que nous ne parvenons pas à connaître ?

Cette importance exclusive accordée par Socrate à la science, on sait comment Sathon en abuse. Ne révèle-t-elle, pas, même chez Socrate, quelque légère tendance à l'aristocratie ? Les mots que Socrate employait sont ici plus proches de ceux que Sathon emploie que de ceux dont je me sers. Ma pensée est pourtant plus voisine que celle de Sathon de la pensée de Socrate. Mais je blâme presque chez Socrate qu'un flottement vers l'aristocratie lui ait permis d'avoir tant de disciples aristocrates et amis des lois laconiennes. Dans l'importance excessive donnée à la science, dans le nom de science imposé mal à propos à la pratique et à la force d'âme se trouve, je crois,