Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/86

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sans quelque largeur et, dès que tu essaies, la longueur s'évanouit en même temps que la largeur ; des vérités touchant la surface, qui se définit par l'absence d'épaisseur, — mais aucun corps ne saurait exister sans avoir trois dimensions  ; des vérités sur le volume qui étudie les corps comme s'ils pouvaient n'avoir ni poids, ni couleur, ni aucune autre qualité que celle d'occuper un espace. Ainsi la subtilité du géomètre nous enseigne ce qui n'est pas et nous enseigne à oublier ce qui est. C'est pourquoi chaque fois qu'Euclide ou Platon essaient de prévoir quelque chose dans le monde réel, ils se trompent. Mais ils raisonnent de façon merveilleuse et ridicule concernant des mondes qui ne sont pas, le monde géométrique comme dit Euclide, le monde intelligible, comme dit Platon.

— Rien — continuait Socrate — ne m'est aussi inintelligible que ce monde intelligible dont parle Platon et dont parfois, dans ses ingénieux et menteurs dialogues, il me fait parler avec une bien risible assurance.

Il ajoutait dans un grand rire, cet homme prévoyant :

— Je suis peut-être trop vieux pour voir ce que je vais dire. Vous qui êtes jeunes, rappelez-vous quelques années la prophétie où s'égaie Socrate en ce moment. Un jour, Euclide affirmera que le monde où il rêve est plus réel que le monde où nous vivons ; un jour Platon croira son monde intelligible plus réel que le monde où nous vivons. Et ce qu'il nomme l'idée de Socrate, — je ne devine pas ce que, en dehors de l'esprit de Platon et de quelques autres esprits, peut bien être l'idée de Socrate, —