Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/91

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vers tes lèvres des baisers de belles courtisanes et de beaux garçons. Ou, si tu le préfères, j'inspirerai aux riches de t'inviter à de somptueux banquets. » Voilà ce que répondrait le plus sévère des oracles.

— Le seul oracle que je consulte m'a répondu autre chose.

— Pourrais-tu me conduire, ô Socrate, dans le temple où tu consultes cet oracle singulier ?

— Ce temple n'est ouvert qu'à moi seul.

— J'admire le riche Socrate qui a un temple et un oracle pour lui seul.

— J'ose me vanter d'une telle richesse. Pour toi, Aristippe, jusqu'à ce que tu puisses te vanter d'une telle richesse, tu m'as écouté en vain. Et je te ferais injustice si j'acceptais ton argent, quand je n'ai rien pu te donner.

— Tu l'accepteras donc quand tu estimeras que je t'ai compris ?

— Quand tu m'auras compris, tu n'outrageras pas, en essayant de la payer par des pauvretés, la merveilleuse richesse que je t'aurai donnée. Ou plutôt tu auras su enfin te la donner à toi-même. Car la seule chose que je puisse essayer de t'apprendre, c'est de t'écouter, mon Aristippe.

— Je passe ma vie à m'écouter, Socrate. Et j'entends en moi des discours vraiment divins. Ils disent : Donne sans hésiter ton argent en échange des biens que tu aimes, les belles paroles de Socrate, les ventres farcis des truies, les poissons savamment apprêtés, les gâteaux de sésame et de miel, les baisers de Corinthe ou les vins de Chio.