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Page:Séance de l’Académie Française du 24 janvier 1918.pdf/12

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d’apprécier une œuvre, une vie, et d’apporter sa pierre, si mal taillée soit-elle, au monument que vous élevez depuis trois siècles à la gloire des lettres françaises. Vous ne sauriez d’ailleurs le soumettre, pour ses débuts, à une plus redoutable épreuve. Approfondir une œuvre n’est déjà pas aisé ; mais quand on songe au peu que l’on sait des personnages qu’on a le plus fréquentés, à l’ignorance où l’on demeure souvent de celui avec lequel on a inséparablement vécu, je veux dire de soi-même, on est pris de peur à l’idée d’avoir à poser sur le sable mouvant du témoignage humain la reconstruction d’un caractère, et à faire l’histoire d’un homme. Que sera-ce, s’il s’agit d’un homme politique, et qui ne voulut être d’aucun parti, et que tous les partis eurent intérêt à dénigrer ? Déjà l’histoire de M. Émile Ollivier serait difficile à retracer si sa carrière eût pris fin avant les événements de 1870 : contre cet homme, qui n’a jamais su haïr ni mentir, on eût recueilli de tous côtés des témoignages sophistiqués et des paroles de haine. Mais il fut ministre en 1870 ; et quand vint la catastrophe que la folle politique de 1866 avait préparée, que l’aveugle imprudence des partis contribua ensuite à rendre inévitable, amis et adversaires de l’Empire s’accordèrent à lui en faire porter la responsabilité. Même sans cette conjuration tacite, le souvenir de la guerre fût resté attaché à celui du Ministère qui la déclara : comment notre jugement sur Émile Ollivier ne