Page:Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, série 2, tome 6.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aller à cette illusion. Cette manière de voir est erronée, je n’hésite pas à le dire ; non que le travail ne soit un fait très important, un phénomène essentiel dans la théorie de la richesse sociale, ou, pour mieux dire, dans la théorie de la production et de l’industrie ; non que le travail n’ait pas une valeur d’échange, et que cette valeur ne s’ajoute pas naturellement à celle de l’objet sur lequel, il s’exerce ; mais, en n’ayant égard qu’au travail et à ses effets, on ne considère que la cause d’une augmentation de valeur dans un objet qui valait déjà quelque chose ; on n’a pas atteint la véritable source de la valeur d’échange en général. En partant de la production, de l’industrie ou du travail, on ne va pas au fond de la question qui nous occupe, celle de l’origine de la valeur échangeable. On se fait illusion sur la nature de la richesse sociale, et sur le véritable objet de l’économie politique ; on construit une théorie telle quelle de la production ; on décrit avec un certain degré de fidélité le rôle de l’industrie et des manufactures, mais on ne donne point une théorie exacte et complète de la valeur d’échange, de sa nature et de son origine.

La doctrine que je signale ici, la doctrine anglaise, en un mot, suppose, comme un principe admis et reconnu, que la richesse sociale est entièrement le fruit de la production, ou que toutes les valeurs sont des produits. Les mots produit et valeur sont synonymes dans l’école de Smith et de ses disciples. Il y a bien, si l’on veut, dans la doctrine des économistes anglais, cette nuance ou cette différence entre la valeur et le produit, que la valeur, c’est le produit échangeable, et que le produit c’est la valeur fruit du travail. Mais cette différence est une différence peu importante et tout à fait secondaire ; elle tient seulement aux deux points de vue sous lesquels on peut considérer la richesse sociale, tantôt comme une provenance du travail, tantôt comme un moyen d’acheter ; mais cette différence n’a rien d’essentiel. Au fond, les