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des enlèvements. Des hommes, pour elle, entrechoquèrent leurs épées. Des ménages se désunirent. Des jouvencelles pleurèrent leur amant évaporé[1]. »

Un jour, elle rencontre Molière et se fait agréer dans sa troupe. — À quelque temps de là, étant revenue à Paris, elle lui fera une effrénée réclame, — peut-être bien d’accord avec lui ! — avec son Récit de la Farce des Précieuses.

Au milieu de ces diverses pérégrinations, Catherine ne cessait pas de subjuguer les cœurs et de multiplier le nombre de ses soupirants. L’un d’entre eux allait bientôt concevoir une véritable passion pour elle. C’est, semble-t-il, dans le courant de l’année 1660 qu’elle le connut, à un bal. Il s’appelait de Boesset de Villedieu, était comte et capitaine au régiment du Dauphin. Dès qu’elle le vit, il lui plut, et de là à en faire son amant, il n’y avait qu’un pas qui fut bientôt franchi. Cette mauvaise langue de Tallemant raconte là-dessus des choses scandaleuses. Bref, Mlle Des Jardins entreprit de devenir Mme de Villedieu. Le plus piquant était que Villedieu avait déjà une femme, — femme légitime ! Cela n’empêcha pas ledit capitaine, encore que l’aventure paraisse invraisemblable — de faire publier ses bans de mariage avec Marie-Catherine-Hortense Des Jardins. Pour le reste, on ne sait trop. Cet étrange mariage eut-il lieu malgré l’opposition de l’épouse si légèrement mise de côté ? Les deux amants trouvèrent-ils un prêtre pour les unir ? — Ce qui est certain, c’est que Mlle Des Jardins troqua son nom contre celui de Villedieu.

Voilà une des plus extraordinaires aventures de cette curieuse femme à la vie si agitée.

Par la suite, le capitaine de Villedieu ayant été tué à l’ennemi, Catherine songe à se faire religieuse, mais la diablesse n’était pas encore assez vieille pour se faire ermite ! Elle abandonnera la maison de retraite pour reprendre la vie galante. — Prise du besoin de voyager, elle va visiter les Pays-Bas dont elle nous décrit les principales villes dans son Recueil de quelques lettres ou relations galantes. Partout, on la reçoit, on la complimente, on la produit.

Voilà-t-il pas qu’un jour l’idée lui vint de se remarier. Et qui choisit-elle ? Un certain marquis de Chaste (ou de Chatte) âgé de soixante ans et qui avait une femme quelque part dans un coin retiré de la province. En vérité, c’était une chose inouïe que cet amour irrésistible pour les hommes mariés !

Pour qu’elle épousât le vieux marquis, il fallait casser sa première union. La chose ne traîna point et, quelques mois plus tard, par permission spéciale, le mariage de Catherine et de M. de Chaste était célébré à Notre-Dame, le 17 août 1677.

De ce mariage naquit un fils. Et tel était alors le crédit à la Cour de la nouvelle marquise, que Mlle de Montpensier n’hésita pas à tenir l’enfant sur les fonts du baptême avec l’héritier de la couronne de France, l’élève même de Bossuet, Mgr le Dauphin !…

Malheureusement, l’année qui suivit fut cruelle pour Catherine ; elle perdit son fils et son mari. Lassée de tant d’aventures, elle abandonna la

  1. Emile Magne