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christine de pisan

Seulette suis, dolente et courroucée,
Seulette suis, en langeur mesaisée[1],
Seulette suis, plus que nulle égarée,
Seulette suis, sans ami demeurée.

Seulette suis à huis, ou à fenêtre,
Seulette suis en un anglet[2] muciée[3],
Seulette suis pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis, dolente ou appaisiée,
Seulette suis, rien n’est qui tant me siée[4]
Seulette suis en ma chambre enserrée,
Seulette suis, sans ami demeurée.

Seulette suis, partout, et en tout estre[5],
Seulette suis, où je voise, où je siée[6],
Seulette suis, plus qu’autre rien terrestre,
Seulette suis, de chacun délaissée
Seulette suis, durement abaissée,
Seulette suis, souvent toute éplorée,
Seulette suis, sans ami demeurée.


ENVOI


Princes, or est ma douleur commencée ;
Seulette suis, de tout deuil menaciée
Seulette suis, plus teinte que moréo[7],
Seulette suis, sans ami demeurée.

  1. mal à l’aise
  2. En un coin
  3. Blottie
  4. et rien ne m’agrée
  5. en tous lieux
  6. Partout où je vais, où je me trouve.
  7. plus sombre que la teinture brune