Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/190

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traire, intérêt à s’approprier par des afféagements ou des partages[1]. Un régime de privilèges antagonistes, voilà l’un des traits les plus caractéristiques de toute la société d’ancien régime.

Au XIXe siècle, au contraire, la notion de classes sociales et la conscience qu’en ont les individus qui les composent s’affirment de plus en plus nettement. L’une des grandes raisons (il en est d’autres), c’est que l’abolition des classes juridiques et les progrès du capitalisme ont eu pour effet une nouvelle répartition des classes sociales, fondée sur leur rôle économique. La classe du haut négoce, des patrons de la grande industrie prend une importance croissante. Le fossé se creuse, de plus en plus profond, entre les employeurs et les ouvriers qu’ils font travailler. C’est alors que se crée réellement la classe ouvrière, qu’elle commence à prendre conscience de ses intérêts collectifs. Dans la société contemporaine, la distinction des classes est donc essentiellement d’ordre économique. Et, comme la classe dirigeante, la classe capitaliste se compose, en bonne partie, d’hommes nouveaux, de self made men, comme on y pénètre souvent grâce à des qualités personnelles, cette nouvelle conception des classes sociales se lie très étroitement avec l’organisation individualiste de la société. L’individu est attaché bien moins étroitement qu’autrefois au groupe dont il fait partie ; sans doute, au point de vue économique, il a des intérêts de classe mais, sur tout autre domaine (intellectuel, politique, etc.), il peut se lier à d’autres groupements. La mobilité sociale, dans la société contemporaine, apparaît beaucoup plus grande qu’elle n’était autrefois. Cette société si individualiste forme le contraste le plus frappant avec

  1. Voy. H. Sée, La vie économique et les classes sociales du XVIIIe siècle, Paris, Akan, 1924, 1re partie.