Aller au contenu

Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et elles sont toutes de même ; les maîtres ne s’occupent pas des domestiques, ils les laissent tranquilles, ne s’informent pas s’ils passent les nuits dehors, au café, au bal ou au théâtre, n’importe. Ils payent, ils se laissent voler. À la chambre, à la cuisine, à l’écurie, c’est tout la même chose. Je vis heureux, je m’amuse, je fais bonne chère, de l’argent à profusion, j’en dépense et j’en refais. Toi, au contraire, tu travailles, tu t’ennuies, tu fais maigre, tu restes à la maison, tu vas à la messe, tu mènes une vie de capucin. Ça ne me va pas ; toi, je ne t’en empêche pas si tu préfères un capucin à un bon garçon qui boit, qui danse, qui fait la vie.

Jean.

Mais, Jeannot, pense donc qu’il y a un après, comme je te le disais un jour, et que…

Jeannot.

Ta, ta, ta, laisse-moi tranquille, je ne veux pas d’après ; je ne veux pas que tu me cornes aux oreilles ton après, qui me revient déjà assez souvent…

Jean.

Et qui gâte ta vie, pauvre Jeannot.

Jeannot.

Parbleu non ! car j’envoie promener ton après et toi-même avec. Tiens, je n’aime pas à te rencontrer, Jean ; tu as toujours de sottes paroles qui me troublent ma journée, ma nuit, et qui me taquinent, quoi que j’en aie. « Garçon, la note. »

Le garçon apporta la note ; on avait consommé pour cinq francs de café, eau-de-vie, liqueurs.