je me sens comme si j’étais chez moi, et j’en use, comme vous voyez. »
Le dîner s’acheva gaiement. Jacques était enchanté de voir Paul manger à s’étouffer. Après le dîner, Moutier les envoya s’amuser dehors ; lui-même se mit à fumer : les deux sœurs s’occupèrent du ménage et servirent les voyageurs qui s’arrêtaient pour dîner ; Moutier causait avec les allants et venants et donnait un coup de main quand il y avait trop à faire.
Jacques et Paul se promenaient dans la rue ; ils regardaient les rares boutiques d’épicier, de boucher, boulanger, bourrelier ; ils dépassèrent le village et rencontrèrent un pauvre petit garçon de huit à neuf ans, couvert de haillons, qui traînait péniblement un sac de charbon trop lourd pour son âge et ses forces ; il s’arrêtait à chaque instant, essuyait du revers de sa main la sueur qui coulait de son front. Sa maigreur, son air triste, frappèrent le bon petit Jacques.
« Pourquoi traînes-tu un sac si lourd ? lui demanda-t-il en s’approchant de lui.
— Parce que mon maître me l’a ordonné, répondit le petit garçon d’une voix larmoyante.
— Et pourquoi ne lui dis-tu pas que c’est trop lourd ?
— Je n’ose pas ; il me battrait.
— Il est donc méchant ?
— Chut ! dit le petit garçon en regardant autour de lui avec terreur. S’il vous entendait, il me donnerait des coups de fouet.
— Pourquoi restes-tu chez ce méchant homme ? reprit Jacques à voix basse.
On m’a mis là, il faut bien que j’y reste. Je n’ai personne chez qui aller : ni père ni mère.