Page:Ségur - La soeur de Gribouille, Hachette, 1886.djvu/333

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rue, elle épouvantait ceux qui ne la connaissaient pas ; mais sous cette apparence mauvaise elle cachait un cœur assez compatissant, une grande affection pour son maître et une grande bonne volonté à secourir les gens en détresse. Aussi ne manqua-t-elle pas, en ajoutant un couvert pour Caroline, de préparer du vin chaud pour la remettre, et du café pour le curé. Elle eut soin d’apporter d’avance sa houppelande, pour qu’il n’eût pas froid la nuit, et de mettre dans une des poches sa grande tabatière, pleine de tabac frais.

Pélagie reçut Caroline très affectueusement.

« Nous passerons une partie de la soirée au profit de la pauvre Rose, ma bonne petite Caroline ; demain, mon oncle dira la messe pour elle, et nous prierons bien avec lui, afin que le bon Dieu lui pardonne. »

Caroline remercia Pélagie de son bon accueil ; elle mangea peu ; le curé, plus habitué à ces scènes de mort, dîna suffisamment pour rassurer Nanon, qui aurait voulu lui voir avaler tout ce qu’elle avait servi sur la table.

« Mangez, mangez, monsieur le curé ; songez donc que vous allez passer la nuit tout éveillé,… car vous ne dormez guère quand vous priez ; ce n’est pas comme moi ; quand mon heure est venue, il n’y a pas de mort qui tienne, il faut que je dorme… Mais vous ne mangez pas… Voilà-t-il un beau repas ! une assiette de soupe et deux bouchées de viande… Tenez, voici du jambon aux épi-