Page:Ségur - La soeur de Gribouille, Hachette, 1886.djvu/384

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Ces femmes étaient si acharnées à discuter l’avenir de Caroline, qu’elles ne virent pas la porte s’ouvrir, le curé entrer et s’agenouiller près de Gribouille, à côté de Louison, profondément endormie, la tête appuyée sur le matelas. Il avait entendu malgré lui une grande partie de la conversation, qui l’affligea en lui démontrant le mauvais vouloir de Nanon à l’égard de la pauvre Caroline. Il réfléchit à ce qu’il pouvait, faire pour lui épargner les rudesses et les reproches indélicats de sa vieille servante. Il ne voyait pas d’autre maison que la sienne qui pût lui servir de refuge. M. Delmis l’aurait certainement recueillie avec empressement mais sa femme rendait cet asile impossible. Après de longues et tristes réflexions, après avoir invoqué l’assistance de Dieu pour l’aider à prendre une décision, il eut la pensée subite de hâter le mariage de Caroline, afin de lui assurer sans plus tarder la protection que lui avait si ardemment souhaitée son frère.

Quand cette résolution fut arrêtée dans son esprit, il s’approcha des deux bavardes, auxquelles il apparut comme un revenant ; elles poussèrent en même temps un cri qui réveilla en sursaut la vieille Louison. Toutes trois tombèrent à genoux dans leur terreur, qu’augmentait encore l’immobilité silencieuse du curé.

« Relevez-vous, pauvres folles, dit-il enfin ; j’ai entendu votre sotte conversation. Nanon, votre mauvais caractère, votre esprit malveillant rendent