Page:Ségur - Lettres d une grand mère.djvu/11

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d’Armand Fresneau, le catholique sénateur du catholique Morbihan.

Olga, celle qui écrit ces lignes, est la dernière de la famille, et elle ne se souvient pas sans douleur d’avoir, par su naissance, altéré pour de longues années la santé de son excellente mère.

Devenu Pair de France après la mort du chef de la famille, car cette dignité était héréditaire chez les Ségur, mon père partageait son temps entre Paris et nos chères Nouettes, la campagne donnée à ma mère en 1822 par le général comte Rostoptchine pour ses étrennes. C’est aux Nouettes que nous nous ébattions autour de notre mère chérie, la comblant de soins et de caresses et vivant heureux de ce bonheur paisible dont on ne se rend compte que lorsqu’il vous échappe. C’est aux Nouettes que se fiancèrent Nathalie et Henriette. C’est aux Nouettes que notre frère vénéré, que Gaston devint aveugle ! C’est aux Nouettes que ma mère écrivit la plupart de ses charmants livres. C’est aux Nouettes que naquirent la plupart de ses enfants et de ses petits-enfants. C’est aux Nouettes enfin que nous voyions le plus et le mieux notre illustre ami Louis Veuillot.

L’âge seul força ma mère à quitter cette terre bien-aimée. Sa santé, déjà altérée en 1870, reçut une seconde et rude secousse dans cette année néfaste qui la vit trembler pour la première fois de sa vie… La mère souffrait d’être séparée de la plupart de ses enfants ! la grand’mère souffrait de ce même mal !…

L’auteur ne se releva pas de ce coup cruel ; la Vie des Saints n’eut que trois pages d’écrites… et la plume faiblit dans ces mains défaillantes, sans toutefois s’en échapper tout à fait, car sa correspondance continuée atteste que l’esprit était toujours aussi charmant, aussi fin, aussi