Page:Ségur - Lettres d une grand mère.djvu/12

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gai, aussi alerte. La force seule faisait défaut, et ma mère ne devait la retrouver qu’au ciel. Stoïque devant la vieillesse, elle en constatait les progrès avec un calme qui nous confondait. Son amour pour Dieu, grandissant chaque jour, lui faisait accepter la perspective d’une séparation dont l’idée seule nous déchirait le cœur ! Ma mère attendait la mort en 1874 et commença en athlète chrétienne une lutte formidable, avec une agonie terrible, comme jadis Jacob avec l’ange. Cette lutte suprême dura plus de quinze jours… puis, le 9 février au matin, cette belle âme s’envola vers le Dieu qu’elle servait avec tant d’énergie et tant d’amour, laissant mon pauvre frère Gaston si brisé de cette perte qu’elle en altéra sa santé à jamais.

Voilà ce que fut « grand’mère » dont la dépouille mortelle repose dans le cimetière de Pluneret, près de Sainte-Anne d’Auray, en Bretagne. « Dieu et mes enfants », porte la croix qui se dresse sur sa tombe. – Ce fut le cri de son cœur et la règle de sa vie. La chrétienne et la mère s’unissaient en elle pour faire de son existence un tout incomparablement beau et touchant.

… Qu’elle l’aimait, cette enfance pour laquelle sa plume traçait, en se jouant, des pages impérissables ! La comtesse de Ségur est un des classiques de la littérature enfantine, et ses livres resteront pour attester son esprit, sa verve, son cœur et sa foi.

La miséricorde divine a permis que son cher petit Jacques et sa chère petite Camille ne succombassent qu’après elle. Les lettres contenues dans ce volume montrent la tendresse de ma mère pour ses petits-enfants. Je puis attester qu’ils en furent dignes et que, pour son compte, Jacques méritait cet attachement profond, manifesté avec une persévérance si fidèle ! Sa piété, son bon cœur, son amour pour le travail, ses brillantes études prouvent qu’il eût réa-