Page:Ségur - Lettres d une grand mère.djvu/80

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amusé et qu’Henri t’ait fait monter à cheval ; j’espère que tu pourras continuer tes jours de sortie, tant qu’Henri y sera pour t’accompagner ; seul, ce serait imprudent. Figure-toi que Pierre de Ségur est arrivé à Kermadio avec Jean [1], hier matin. Ton oncle Anatole ayant su que les Prussiens faisaient prisonniers les jeunes gens de 18 à 20 ans, de peur qu’ils ne s’engageassent dans les francs-tireurs, et sachant les Prussiens à Chauday, a eu peur pour Pierre et l’a fait partir le 23 en tapissière, conduite par Léger [2], les chemins de fer ne marchant pas. Ils ont couché à la Ferté-Macé, où ils ont trouvé une carriole qui les a menés à Mayenne ; de carriole en carriole, ils sont arrivés le 25 au soir à Rennes, où ils ont couché, et ils en sont repartis hier le 2fi, en chemin de fer. À midi, Pierre entrait dans la salle à manger où nous déjeunions tous. Il était fatigué et ennuyé de ce long voyage ; il était enchanté d’être arrivé ; il avait eu en route la nouvelle que les Prussiens, au lieu de continuer sur Laigle et Saint-Hilaire, ont pris le chemin de la Trappe pour aller à Mortagne et à Alençon ; ils doivent se masser près du Mans et se préparer à la grande bataille qui doit se livrer par là. Je vais écrire à maman pour lui annoncer cette bonne nouvelle : voilà notre pays (Laigle) délivré des Prussiens [3] ; ils ont craint de s’engager dans notre vallée pleine de petits bois, de ravins, de collines, etc., et ne leur offrant pas de grandes ressources de pillage. Ils ont fait payer par la ville de Laigle 200.000 francs pour lui épargner une visite Le père X. [4] a donné 100.000 francs à lui seul.

J’ai oublié de te dire que Thérèse et Henri m’ont fait de toi les plus grands éloges ; elle me dit que tu as plu à tout le

  1. Le cocher de mon frère.
  2. Valet de chambre de mon frère Anatole.
  3. Hélas ! ils y sont revenus.
  4. Riche propriétaire du pays.