Cher enfant, j’ai reçu hier une lettre de Paul qui me dit que tout le monde va bien à Livet ; sa lettre est courte, ne disant rien d’important, mais d’une bonne écriture, assez coulante et régulière. Papa est décidé à te le donner comme compagnon de collège aux vacances prochaines, soit à Vaugirard, soit à Poitiers, si Vaugirard n’est pas rouvert ; ce qui le fait encore hésiter, c’est qu’on lui dit que le régime de Poitiers est aussi dur pour les petits que pour les grands, que tous se lèvent et se couchent aux mêmes heures, ont autant d’heures d’études, font les mêmes promenades, etc. Il craint que ce ne soit trop pour la grosse tête de Paul qui est souvent pris de la tête et qui ne voudra jamais avouer qu’il a la tête fatiguée ou malade. Enfin… le bon Dieu le protégera comme il t’a protégé, toi, mon pauvre enfant, et comme il nous protège tous, tous les jours de notre vie. Quand tu viendras à Livet, tu trouveras le gibier très augmenté, à cause de la défense de chasser toute l’année dernière et cet hiver. Brière [1] t’attend avec impatience ; il paraît que les petits chiens sont devenus superbes et excellents. Je me réjouis de penser que je serai avec toi à Livet une grande partie des vacances. Je me porte très bien ; ma santé se consolide de plus en plus et je marche beaucoup mieux ; je puis aller à pied à l’église et en revenir de même ; j’espère qu’à Livet je pourrai aller à pied à la messe ; ce serait le complément de mon bonheur à Livet. Adieu, mon cher enfant chéri, je t’embrasse bien tendrement…..
Adieu, mon cher petit ; nous avons un temps magnifique ; je crains qu’il ne fasse bien chaud à Poitiers.
- Grand’mère de Ségur.
- ↑ Le garde d’alors à Livet.