Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Jacques.

Non, grand’mère, il est venu tout seul ; il a voulu courir avec les autres. La mère Tranchet a payé pour prendre ce qu’il gagnerait, mais il n’a pas de maître : c’est Cadichon, l’âne de la pauvre Pauline qui est morte ; ses parents l’ont chassé, et il a vécu tout l’hiver dans la forêt.

La grand’mère.

Cadichon ! le fameux Cadichon qui a sauvé de l’incendie sa petite maîtresse ? Ah ! je suis bien aise de le connaître ; c’est vraiment un âne extraordinaire et admirable !

Et, tournant tout autour de moi, elle me regarda longtemps. J’étais fier de voir ma réputation si bien établie ; je me rengorgeais, j’ouvrais les narines, je secouais ma crinière.

— Comme il est maigre ! Pauvre bête ! Il n’a pas été récompensé de son dévouement, dit la grand’mère d’un air sérieux et d’un ton de reproche. Gardons-le mon enfant, gardons-le puisqu’il a été abandonné, chassé par ceux qui auraient dû le soigner et l’aimer. Appelle Bouland ; je le ferai mettre à l’écurie avec une bonne litière. »

Jacques, enchanté, courut chercher Bouland, qui arriva tout de suite.

La grand’mère.

Bouland, voici un âne que les enfants ont ramené ; mettez-le à l’écurie et donnez-lui à boire et à manger.

Bouland.

Faudra-t-il le remettre à son maître ensuite ?