Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/104

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cheur de cire, reposaient doucement de chaque côté de son corps ; on voyait briller à son doigt l’anneau pastoral. Sa tête était couverte d’une mitre blanche, son visage avait une expression calme, sereine, presque souriante : il semblait dormir paisiblement. Des cierges brûlaient autour du martyr, des prêtres en étole priaient à ses côtés. Tout ce spectacle était plein de grandeur, de silence et de paix.

On n’entendait dans la chambre funèbre que le bruit silencieux des fidèles qui venaient en foule contempler une dernière fois le visage aimé de leur archevêque, et qui passaient après avoir fait une courte prière à ses pieds. Plusieurs centaines de mille personnes vinrent ainsi prendre congé de lui : toutes étaient émues et recueillies, beaucoup pleuraient. La curiosité même était dominée par le respect. Des femmes, des enfants, des hommes, dépouillant tout respect humain, touchaient avec des médailles et des chapelets le corps du martyr. Les soldats accourus en foule pour revoir mort celui qu’ils avaient vu si noblement marcher au combat et tomber sous le feu, le touchaient également avec leurs sabres et leurs baïonnettes, comme pour sanctifier leurs armes par ce contact sacré et pour les consacrer à Dieu. Le colonel d’un des régiments de dragons en garnison à Paris entra dans la chambre mortuaire, en grand uniforme, avec quelques officiers de son arme, et dit après avoir prié près du corps du prélat : « Je viens au nom de mon régiment, et je puis dire au nom de toute l’armée, rendre hommage au martyr qui s’est sacrifié pour nous. » Ce fut là, sans doute, près de ce corps vénéré, que beaucoup de militaires puisèrent cet esprit de foi et ces sentiments profondément chrétiens qui éclatèrent depuis avec tant d’énergie, et qui firent l’admiration du monde ; ce fut là que la croix et l’épée se touchèrent et s’unirent