que ses ancêtres n’auraient pas même admirée tant ils l’eussent trouvée naturelle. Rien enfin ne manqua à son sacrifice, pas même le chagrin de le voir méconnu. Mais sa résolution était prise ; les blâmes et les critiques ne la changèrent pas ; ils ne firent même qu’effleurer son âme et y laissèrent au fond toute la joie que cause aux grands cœurs le sentiment du devoir accompli. C’est ainsi qu’à ce moment même il écrivait à sa mère :
« Pour bien jouir du présent, il ne faut pas avoir la conscience qu’on a manqué sa vie, que l’on n’a jamais été bon à rien et qu’on ne le sera jamais. Il y a des gens qui se moquent de ce sentiment-là, ou plutôt qui ne l’ont pas, et qui sont fort heureux à condition de ne rien faire et de bien manger et bien boire. Mais je ne suis pas de ceux-là, et tu peux te dire, ma bonne mère, que tu fais mon bonheur en me laissant essayer un peu ce que je puis valoir… » Et pour la rassurer, il ajoutait : « … On commence à croire que la campagne sera finie pour l’hiver et la paix faite d’une façon ou d’une autre. S’il en était ainsi, ce serait bien beau aller faire un beau voyage, un petit bout de guerre, avoir peut-être la croix, puis, après cinq ou six mois, revenir pour rester ensemble, et n’avoir plus de préoccupations ni de regrets ! »
Telles étaient ses dispositions et ses espérances quand on sut que l’empereur, comprenant la nécessité de sa présence à Paris, se résignait à abandonner son projet de voyage en Crimée, et que le départ des guides était indéfiniment ajourné. Dans cette situation, Hélion de Villeneuve n’avait évidemment qu’une chose à faire : il ne s’était pas engagé à vingt-huit ans, il n’avait pas quitté une brillante carrière pour rester à balayer les écuries de l’Écote militaire et promener dans les rues de Paris son uniforme de simple soldat. Sa mère le comprit comme lui et consentit à le laisser changer de régiment, comme