Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le temps de ce martyre, Villeneuve ne poussa pas un cri, ne fit pas entendre une plainte ; les yeux levés au ciel, l’âme étroitement unie à celle du Sauveur, il pensait à Dieu, il pensait au Calvaire, et il offrait au Seigneur Jésus-Christ, mort sur la croix pour les péchés du monde, ses horribles souffrances en expiation de ses fautes. Terrible expiation, en effet, qui acheva de purifier par le sang son âme déjà purifiée dans les larmes de la pénitence et du sacrifice, et qui lui ouvrit les portes du ciel !

Le digne aumônier qu’il avait fait appeler, l’abbé G’Stalter, arriva près de lui au milieu de l’opération : il était pâle et sanglant entre les mains des chirurgiens, mais calme et plein de courage. De temps à autre, il faisait un signe de croix et prononçait avec amour le nom de sa mère et celui du divin Sauveur ! Les soldats qui étaient avec lui à l’ambulance le considéraient avec admiration et avec attendrissement.

Les uns disaient dans leur langage militaire : « C’est un crâne ! » D’autres murmuraient en s’essuyant les yeux : « Comme le zouave aime sa mère ! »

En voyant approcher le prêtre de Jésus-Christ, le patient lui tendit la main, lui fit des signes d’amitié et essaya d’articuler quelques paroles, que sa blessure rendait bien difficiles à comprendre. Cependant, quand l’opération fut terminée et qu’il fut seul avec l’aumônier, il put parler, quoique avec effort. Le bon prêtre lui prodigua les secours de son ministère, mais il avait bien peu de chose à faire pour lui aplanir la voie du ciel ; car, ainsi que je l’ai dit plus haut, Hélion de Villeneuve s’était confessé la veille ; d’un autre côté, les médecins avaient tous déclaré que sa blessure n’offrait aucun danger pour sa vie, et que la guérison serait même rapide : il n’y avait donc pas lieu de lui administrer les derniers sacrements de l’Église.