encore dans l’espace, comme dans une église une légère fumée d’encens, et nous apercevions à travers, au fond de la vallée, à une profondeur immense, les arbres qui nous paraissaient de petites plantes, et les villages qui nous faisaient l’effet de ces jouets de carton et de bois avec lesquels on amuse les enfants.
Quand nous eûmes rassasié nos yeux de toutes ces merveilles, réparé nos forces par la nourriture et le repos, et rafraîchi nos lèvres avec la neige des glaciers, mêlée au vin que nous avions apporté, nous quittâmes à regret ces hauteurs pour retomber dans l’horizon étroit et borné de la plaine, emportant comme souvenir de notre ascension, et en même temps comme preuve singulière et inattendue de l’universalité du déluge, quelques pierres marquées profondément de l’empreinte séculaire de poissons et de coquillages de mer, et, après quelques heures d’une descente qui fut moins effrayante et moins pénibles que nous ne l’avions pensé, nous nous trouvâmes le soir à Saint-Gervais, le corps et l’âme épuisés de fatigue et d’admiration.
Nous recommençâmes souvent, dans le cours de notre voyage, des expéditions de ce genre ; nous parcourûmes la célèbre vallée de Chamouny, décrite tant de fois, et que je ne décrirai pas une fois de plus. Nous visitâmes cette mer de glace, si prodigieuse, si effrayante avec ses vagues pétrifiées et ses grandes crevasses béantes d’un vert bleuâtre, où l’œil se perd dans des abîmes sans fond, d’où l’on entend sortir un bruit sourd et lointain comme celui d’un grand fleuve qui passerait en mugissant dans ses profondeurs. Nous visitâmes aussi le charmant glacier des Bossons, tout différent d’aspect, sans crevasses et sans bruits souterrains, éblouissant comme la neige, et dont les pyramides, bizarrement taillées par le caprice de la nature, ressemblent de loin à un peuple pâle et immobile