Page:Ségur - Un bon petit diable.djvu/319

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À la fin de l’hiver, la ferme fut enfin prête à les recevoir ; les arrangements intérieurs étaient terminés, la ferme se trouva suffisamment montée de bétail ; la basse-cour était assez considérable pour fournir d’œufs et de volailles, non seulement la ferme, mais une partie du village ; les vaches donnaient du lait et du beurre à tous les environs ; les moutons engraissaient pour le boucher après avoir donné quelques tontes de laine à leur ancien propriétaire.

Charles aurait bien voulu y passer ses journées, avec Marianne et Betty, qui y passaient toutes les leurs ; mais Juliette d’une part et ses études de l’autre ne lui laissaient pas beaucoup de liberté. Malgré ce vif désir de se transporter à la ferme avant qu’elle fût logeable, jamais il n’en laissa rien paraître à Juliette : pour elle, il domptait son caractère emporté, ses volontés ardentes ; et en le voyant assis tranquillement près d’elle, un livre à la main pour lui faire la lecture, ou bien tenant ses écheveaux de laine ou de fil pour l’aider à les dévider, on l’aurait pris pour un garçon tranquille, aimant le repos et l’étude, et n’ayant aucune volonté, aucun désir prononcé. Mais quand Juliette lui demandait de diriger leur promenade du côté de la ferme, l’empressement joyeux qu’il mettait à accéder à son désir lui faisait deviner la contrainte qu’il avait dû exercer sur lui-même. Aussi, toutes les fois que le temps le permettait, elle faisait toujours une ou deux visites à la ferme. Elle-même s’y trouvait plus agréablement que dans leur mai-