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le monde lunaire

d’une nature plus subtile, débarrassés du souci matériel d’entretenir quotidiennement leur vie par une nourriture grossière ; ces arts et ces industries bien plus perfectionnés que les nôtres et qui avaient déjà dérobé à la nature des secrets que nous soupçonnons à peine, discipliné des forces dont nous sommes loin encore d’avoir tiré tout le parti possible ; cette civilisation si avancée qu’elle était arrivée à simplifier les conditions de la vie, à faire disparaître les rivalités et les dissentiments qui divisent les hommes ; cette haute culture morale, cet amour éclairé du bien, cette sagesse pratique exempte d’austérité farouche et de rigorisme étroit ; enfin ces mœurs douces où l’affabilité et la bienveillance rendaient tous les rapports aimables et faciles, tout cela les enchantait et les ravissait.

Marcel était dans un perpétuel état d’exaltation et d’enthousiasme. Jacques n’avait pas oublié son amour pour Hélène ; mais, dans ce milieu plein de sérénité, il y songeait sans amertume et avec une douce espérance. Lord Rodilan lui-même, rattaché à la vie, était guéri de son spleen et ne regrettait plus d’avoir échappé à la mort.

Pour compléter et hâter leur instruction, Rugel leur avait fait parcourir les diverses régions de la contrée où vivait l’humanité lunaire, dont le chiffre ne dépassait pas douze millions d’habitants.

Le centre de cette contrée était occupé par une mer de dimensions à peu près égales à celles de notre Méditerranée, La surface de cette mer intérieure était semée d’îles nombreuses, quelques-unes de dimensions très restreintes et groupées en riants archipels ; d’autres, plus importantes et isolées, atteignaient les proportions de petits continents. Des États comme la Grèce, la Belgique, le Portugal, y auraient tenu sans peine.

Autour de ces rivages, que découpaient des golfes nombreux, où s’avançaient de pittoresques presqu’îles, s’étendaient de vastes régions sillonnées de nombreux cours d’eau, parsemées de villes florissantes, où vivait à l’aise une population bien moins dense que celle qui s’entasse dans nos étouffantes cités.

Le sol allait s’élevant par une pente insensible jusqu’à une