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un monde inconnu

région de montagnes inaccessibles, aux roches surplombantes, aux précipices insondables et dont jamais personne n’avait gravi les flancs inhospitaliers. C’est par delà cette ceinture impénétrable que s’élevaient les assises granitiques formant à la fois et les parois et la voûte de la caverne colossale qui renfermait un monde.

Ce milieu, où ne pénétraient jamais les rayons du soleil, était éclairé d’un jour égal et constant produit par la diffusion dans l’atmosphére de cette lumière de nature électrique dont l’aspect imprévu avait si étrangement surpris les trois voyageurs. Cette continuité de la lumière, que ne variait aucune alternative de jour et de nuit, faisait aux habitants du monde lunaire une existence toute différente de la nôtre. La vie ne s’y partageait pas en deux parties de longueur inégale, dont l’une est toute remplie de fièvre, d’agitations, de combats âpres et acharnés, et l’autre plongée dans les ténèbres, où la nature et l’humanité semblent ensevelies dans la nuit du tombeau.

La surface du sol y était toujours pleine de vie et comme souriante. Chacun y donnait à ses occupations tout le temps nécessaire, sans s’inquiéter des divisions des jours, puisque la lumière ne cessait de remplir l’espace, et se livrait au repos lorsqu’il sentait le besoin de réparer ses forces épuisées.

La nature, toujours logique dans sa prévoyance, avait disposé la vie animale en vue du milieu où elle devait se développer. Comme les hommes, les êtres inférieurs étaient organisés de facon à entretenir leur vie par la seule respiration. La lutte pour l’existence n’armait les uns contre les autres ni les individus d’une même espèce ni les espèces différentes. Aussi le regard n’était-il pas affligé par le spectacle de ces combats incessants où le faible, toujours sacrifié, sert à nourrir le plus fort ; et il n’était pas à craindre que cette absence d’ennemis acharnés laissât se développer outre mesure les diverses espèces animales : leur fécondité limitée suffisait à remplir les vides que la mort, naturellement survenue, faisait dans leurs rangs, sans que jamais aucune d’elles pût devenir envahissante.

Les animaux n’ayant pas à se défendre contre des ennemis sans cesse renaissants et n’ayant pas non plus à attaquer pour