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le monde lunaire

qui l’éclairait était analogue à celle que répand sur notre terre le soleil lorsque, dans les journées d’été, il s’élève au matin voilé des brumes qui se forment à la surface du sol refroidi pendant la nuit. Cette clarté était douce, irisée des teintes du prisme singulièrement attendries, délicatement nuancées, et qui semblaient se succéder en ondulations harmonieuses ; elle n’était assombrie que lorsque les vapeurs qui s’élevaient des mers se condensaient dans les hautes régions de l’atmosphère en nuages légers et changeants, ui parfois se résolvaient en une pluie fine dont l’ondée vivifiante faisait s’épanouir les fleurs et augmentait leurs parfums. La température s’abaissait alors de quelques degrés, mais jamais assez pour qu’une sensation de froid vint surprendre les habitants et diminuer leur activité.

Cette tiédeur constante de la température, ces pluies bienfaisantes donnaient au sol une merveilleuse fertilité. Les campagnes n’étaient pas cultivées, puisque les habitants de ces heureuses régions n’étaient pas astreints à la nécessité d’arracher péniblement à la lerre des aliments indispensables à une vie inférieure et matérielle. Aussi les plantes s’y épanouissaient en pleine liberté. Toutefois, privée de la lumière du soleil, la végétation y offrait un aspect étrange auquel l’œil de nos Européens avait eu quelque peine à s’accoutumer. Le sol était généralement couvert d’un gazon épais et fin, d’un vert pâle et qui parfois atteignait la couleur d’un blanc légèrement teinté.

Sur ce fond d’un ton très adouci s’enlevaient des bouquets de bois d’une verdure un peu plus sombre. Les troncs élevés et recouverts d’une écorce tantôt blanche et marbrée, tantôt lisse et verte, tantôt striée de bandes longitudinales plus ou moins foncées, étendaient leurs branches couvertes de feuilles aux formes bizarrement découpées. Ces feuilles n’étaient pas d’une couleur uniforme. Les unes, panachées et légères, étaient presque transparentes, et la lumiére qui les traversait leur donnait un éclat semblable à celui des fleurs ; d’autres, formées d’un tissu fin et cotonneux, découpées comme une fine dentelle, semblaient vaporeuses et légères.

Parfois, au milieu des prairies, s’élevaient des végétaux gigan-