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un monde inconnu

tranchées, ces remblais, tout ce qui rend si long et si pénible l’établissement des voies ferrées terrestres ; pas d’autres ouvrages d’art que quelques ponts hardis, également métalliques, jetés sur une gorge profonde ou sur un cours d’eau.

Toujours soucieux de parer aux accidents possibles, les ingénieurs lunaires avaient prévu le cas où, pour une cause quelconque, le courant moteur venant à faire défaut, le train serait menacé de perdre son équilibre.

Ils y avaient pourvu par un ingénieux système de freins. Le rail, de dimensions et de force bien supérieures à ceux en usage sur la terre, avait aussi la forme d’un champignon, à cette différence près qu’il était évidé plus profondément et en retrait de facon à offrir de chaque côté une gorge dont une semelle d’acier pouvait épouser exactement la forme ; cette semelle terminait, à droite et à gauche du rail, un bras de levier très puissant, disposé sous les véhicules et formant ainsi un triangle isocèle dont le rail était le sommet. Quand le train était en marche, ces deux semelles d’acier se maintenaient assez écartées pour qu’aucun frottement ne pût se produire. Aussitôt que le courant actionnant les gyroscopes venait à cesser ou même à diminuer et que la stabilité des véhicules se trouvait compromise, les deux semelles se rapprochaient du rail, y adhéraient fortement et formaient ainsi au train une base inébranlable. Pour déterminer ce rapprochement, un mécanisme automatique était disposé sur le véhicule locomoteur. Là, se trouvaient en effet, sous les veux de ceux qui conduisaient le train, des appareils enregistreurs dont les aiguilles indiquaient à la fois avec précision le nombre de tours accomplis par les gyroscopes dans l’unité de temps, la force et l’intensité du courant électrique. Aussitôt que l’aiguille atteignait le chiffre minimum, un déclenchement se produisait et les semelles de tous les freins, saisissant à la fois le champignon du rail, maintenaient le train en équilibre. Il suffisait alors d’interrompre le courant qui activait l’appareil locomoteur pour qu’en peu d’instants le train s’arrétât sans secousse.

Tout cela était léger, aérien, silencieux, et les trois amis ne pouvaient se lasser d’admirer le génie fertile qui avait imaginé ces