Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
148
un monde inconnu

chute, ils pourraient peut-être remonter à la surface du satellite et donner quelques signes de vie.

Aussi avaient-ils résolu de ne pas quitter le champ de l’observation avant d’avoir acquis une certitude définitive. Du reste, l’astronome francais était poussé par sa fille elle-même à ne pas abandonner la partie. Revenue de l’émotion qui l’avait terrassée au moment où on avait cru voir se perdre le projectile, Hélène avait senti se ranimer dans son âme la foi robuste qui ne l’avait jamais abandonnée ; elle voulait espérer contre toute espérance.

Francois Mathieu-Rollère était donc resté aux Montagnes-Rocheuses, et les observations avaient continué avec un zèle et une persévérance que rien n’avait pu lasser.

Tout le temps que le satellite de la Terre avait montré sur l’horizon visible quelque partie de son disque éclairé, l’œil infatigable des astronomes avait scruté le champ lumineux. Mais jusque-là rien n’était apparu, et chaque fois que s’éclipsait pour reparaître plus tard l’astre si ardemment observé, c’était avec un profond soupir de regret que les savants se disaient :

« Rien encore’; attendons la phase prochaine. »

Mais les semaines, puis les mois s’étaient écoulés ; six fois déjà la Lune avait montré sa face éclairée par le soleil, et six fois s’était de nouveau replongée dans les ténèbres célestes. On n’avait surpris aucun signe qui pût faire espérer que les voyageurs avaient atteint sains et saufs le but de leur entreprise. Le découragement avait gagné tous les cœurs, et lorsque le vieil astronome se résigna à regagner l’Observatoire de Paris, Hélène elle-même ne sentit plus dans son cœur, que le doute commençait à gagner, le courage de le retenir.

Depuis qu’elle était rentrée dans sa petite maison de la rue Cassini, elle avait pris le costume des veuves. Si celui auquel elle avait promis sa foi n’était plus, elle passerait à le pleurer le temps qui lui restait à vivre ; elle ne serait à personne.

À peine remise de la surprise que lui avait causée la nouvelle si inattendue venue d’Amérique, la jeune fille avait lu et relu avec avidité le télégramme adressé à son père.

« Dieu soit loué ! disait-elle, M. J. R., Marcel, Jacques, Rodilan ;