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un monde inconnu

Columbiad sont vivants sur la Lune. Venez ; voyez vous-mêmes si je ne m’abuse pas. »

« Tous s’élancèrent, gravirent d’un même élan l’échelle qui conduisait au télescope, et le premier arrivé eut à peine fixé son œil à l’oculaire qu’il s’écria : « Je vois distinctement une M. »

« Chacun d’eux fit à son tour la même constatation.

« Je n’avais donc pas été la victime d’une illusion ; mes yeux avaient bien vu ; c’étaient bien nos amis qui donnaient ainsi de leurs nouvelles. Une autre surprise nous attendait. Pendant que le dernier observait à son tour, nous l’entendîmes s’écrier : « Je ne vois plus rien, tout a disparu. »

« Pendant une heure rien n’apparut sur la partie obscure de la Lune, et nous allions redescendre pour nous entretenir de ce miraculeux événement, lorsque je regardai une dernière fois à l’oculaire. Quel ne fut pas mon étonnement en apercevant une nouvelle lettre, la lettre J. Cette fois, c’était la première du nom de Jacques. Si quelque doute avait pu subsister sur l’identité de ceux qui correspondaient ainsi avec nous, cette seconde apparition l’aurait complètement dissipé. Nous résolûmes donc de rester à notre poste toute la nuit.

« Nous vîmes la lettre R succéder aux deux premières, puis celles-ci reparurent à leur tour et nous constatâmes que chacune d’elles restait visible pendant l’espace d’une heure. Une heure la séparait de la suivante. Tout était calculé avec une précision mathématique pour produire des impressions certaines et éviter toute confusion.

« Nous continuâmes les observations pendant les dix nuits qui suivirent, et toujours, tant que cette région de la Lune resta plongée dans une ombre épaisse, nous vîmes les mêmes signes avec la même intensité de lumière. »

Mathieu-Rollère avait écouté ce récit avec une satisfaction visible ; il se frottait vigoureusement les mains et murmurait à demi voix :

« Ah ! les braves gens ! quel triomphe pour la science et pour la France ! »

Quand l’honorable W. Burnett eut fini de parler, le vieil astronome se leva et, arpentant la salle à grands pas, s’écria :

« Quel malheur que je n’aie pas été là pour recevoir, moi aussi,