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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/187

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études et recherches

De même que, chez nous, plusieurs sens s’exerçant à la fois concourent à l’expression complète de la pensée ou du sentiment, la voix en traduisant les idées ; les yeux, les mouvements du visage et parfois même le geste en complétant cette manifestation, ainsi, mais avec beaucoup plus de puissance, chez les êtres que Jacques étudiait alors, ce sens inconnu faisait de la sincérité la loi même de leur nature.

Des êtres qui ne pouvaient dissimuler aucune de leurs pensées ni aucun de leurs sentiments n’avaient jamais pu même concevoir l’idée du mensonge. Il n’y avait donc pas entre eux place pour l’hypocrisie ni pour la fraude. Par suite, nulles tromperies, nulles machinations secrètes, nulles intrigues au profit d’ambitions inavouées. Ne pouvant rien cacher, on n’avait pas songé à ourdir des complots, à combiner des manœuvres, à tendre des pièges. Il était impossible d’avoir une chose sur les lèvres, une autre dans le cœur ; enfin, chez les heureux habitants de la Lune, la science diplomatique, qui n’est, le plus souvent, qu’une science d’artifices et de mensonges, était absolument inconnue.

Jacques s’était demandé aussi comment, depuis tant de siècles que l’humanité lunaire vivait dans ces conditions nouvelles, l’accroissement de la population, s’il était soumis aux mêmes règles que chez nous, n’avait pas déjà rempli outre mesure l’espace restreint dans lequel elle habitait. Mais il avait reconnu bientôt que les naissances, soumises aux mêmes conditions physiologiques que sur la Terre, échappaient à la loi de progression. La nature, dans sa prévoyance, avait sagement, pour la race humaine comme pour les espèces animales, renfermé dans des limites infranchissables le développement de la vie. Elle se contentait de réparer les pertes ; les unions étaient loin d’y être aussi fécondes que chez nous, et le nombre des naissances ne dépassait pas celui des décès.

Grâce à la vigueur de leur constitution, la vie se prolongeait chez les habitants de la Lune, au delà des bornes que nous lui connaissons. Elle atteignait fréquemment cent vingt-cinq ou cent trente de nos années. Et dans ces natures robustes dont aucune cause morbide n’altérait le fonctionnement, les forces du corps