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un monde inconnu

Il fallait maintenant s’occuper de la question d’argent. Là, ce fut autre chose.

Aux premières ouvertures que fit l’astronome au directeur de l’Observatoire de Paris, celui-ci, tout en ne désapprouvant pas son projet, lui déclara que la disposition des fonds était en dehors de ses attributions, et dépendait d’une Commission sans l’avis de laquelle rien ne pouvait être décidé. Du reste, il se déclara prêt à réunir la Commission.

La discussion y fut orageuse. Les objections contre le projet proposé par Mathieu-Rollère éclatèrent nombreuses et passionées. Que venait faire là ce visionnaire, dont les fantaisies renversaient toute la science officielle ? N’était-il pas entendu depuis longtemps que la Lune, sans air et sans eau, était inhabitée et inhabitable ? Que venait-il chanter d’êtres humains parvenus dans la Lune, y ayant vécu et y ayant manifesté leur présence ? Si cela était vrai, que diable ! cela se saurait, et personne nen savait rien. C’était lui, Mathieu-Rollère, qui était dans la Lune : il fallait l’y laisser et ne point s’occuper de pareilles folies.

Au milieu de ce déchaînement de clameurs furieuses, quelques voix timides s’élevèrent : « Pourquoi condamner ainsi, sans vouloir examiner, une proposition qui pouvait être sérieuse ? Si l’on ne voulait pas ajouter foi aux declarations de l’observateur américain, on pouvait cependant accorder quelque créance aux affirmations plus réservées du directeur de l’observatoire de Nice. Celui-là n’était pas un puffiste ; il avait certainement vu quelque chose. N’y avait-il pas là des indications précieuses ? Était-il digne d’une assemblée de savants français de passer outre dédaigneusement sans vouloir rien tenter ? Que deviendrait le bon renom de la France, qui toujours s’était enorgueillie de marcher la première dans la voie des découvertes scientifiques ? Quelle honte ne rejaillirait pas sur elle si quelqu’autre nation, plus avisée et plus hardie, lui dérobait la gloire d’une pareille initiative ? »

Mais le président de la Commission, vieux savant routinier qui vivait sur sa réputation bien plus que sur son réel mérite, et qui redoutait toute découverte dont il n’était pas l’auteur, se leva, et, dominant le tumulte :