Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

der larmes et des gémissements lorsqu’il assiste aux funérailles d’une personne qui lui est étrangère.

VII. Maintenant, je vais dire pourquoi le sage ne pardonne pas. Commençons par établir ce que c’est que le pardon, afin de comprendre pourquoi le sage ne doit pas l’accorder. Le pardon est la remise d’une peine méritée. Ceux qui ont traité ce sujet déduisent longuement les raisons qui s’opposent à ce que le sage pardonne. Je les exposerai en peu de mots, comme on le fait lorsqu’on rend compte de l’opinion d’autrui. On pardonne à l’homme qui aurait dû être puni. Or le sage ne fait jamais ce qu’il ne doit pas, et n’omet rien de ce qu’il doit faire. Il ne remet donc pas une peine, qu’il est de son devoir d’infliger ; mais ce que vous voulez obtenir de lui par le pardon, il vous l’accorde par une voie plus honorable ; le sage épargne, prévoit et corrige ; il agit comme s’il pardonnait, et pourtant il ne pardonne pas, parce que pardonner, c’est reconnaitre que l’on manque à l’accomplissement d’un devoir. Le sage, au lieu de punir celui-ci, se contentera de le réprimander en considération de son âge, qui le rend susceptible de retour au bien ; et celui-là que poursuit trop vivement l’indignation publique, il lui fera grâce, parce qu’il a été entraîné par la séduction ou par l’ivresse. Il renverra les prisonniers de guerre sains et saufs, quelquefois même avec des éloges, s’ils ont entrepris la guerre par des motifs honorables, tels que la loyauté, la foi des traités, la liberté. Ce ne sont pas là des œuvres de pardon, mais des œuvres de clémence. La clémence a son libre arbitre ; elle ne juge point d’après des formules, mais d’après l’équité ; elle a le pouvoir d’absoudre ou de fixer à son gré les limites de la peine ; et dans l’un et l’autre cas, ses déci-