Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les affaires rendent le repos toujours impossible. Il termine (ch. xviii, xix et xx) par une exhortation à Paulinus qu’il engage à se démettre du laborieux emploi d’intendant général des vivres de l’empire, pour se livrer au repos et s’adonner à l’étude de la sagesse. Il lui indique quelques-unes des hautes questions qui font l’objet des spéculations du sage ; puis, revenant encore sur la destinée malheureuse des hommes occupés, il déplore l’aveuglement de ceux qui persistent à vouloir mourir au milieu des affaires, et qui vont jusqu’à s’en faire une des détails de leurs propres funérailles.

Juste Lipse suppose que Paulinus, à qui ce traité est adressé, était père de Pauline, la seconde femme de Sénèque ; d’autres présument que c’était son frère. La première de ces conjectures est la plus généralement adoptée. Paulinus remplissait à Rome la charge de præfectus annonæ.

Dans quel temps fut composé ce traité ? On voit bien par le chapitre xviii que ce fut postérieurement au règne de Caligula, puisque Sénèque y parle de la mort de ce tyran ; mais rien n’indique si ce fut immédiatement ou long-temps après. On a remarqué que les raisons par lesquelles il engage Paulinus à renoncer aux emplois, sont en contradiction avec les motifs qu’il fait valoir auprès de Serenus dans son Traité de la Tranquillité de l’âme, pour le porter à s’intéresser à la chose publique. Ces contradictions se rencontrent plus d’une fois dans les ouvrages de notre philosophe. Tel était au reste le travers habituel des stoïciens, qui, à force d’exagérer leurs préceptes, donnaient à leurs assertions quelque chose de paradoxal et même de déraisonnable. Qu’y a-t-il, en effet, de plus faux que de mettre la vie contemplative d’un rêveur oisif au dessus de l’utile activité d’un intendant des vivres probe et zélé ? « On ne manquera pas, dit Sénèque (ch. xviii), de gens d’une exacte probité, d’une stricte attention. » A cela Diderot répond : « Vous vous trompez : on trouvera cent contemplateurs oisifs, pour un homme actif, cent rêveurs sur les choses d’une autre vie, pour un bon administrateur des choses de celle-ci. Votre doctrine tend à enorgueillir des paresseux et des fous, et à dégoûter les bons princes et les bons magistrats, les citoyens vraiment essentiels. Si Paulinus fait mal son devoir, Rome sera dans le tumulte ; si Paulinus fait mal son devoir, Sé-