Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/37

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nous voulons que le sage repousse au loin toutes celles qu’on lui fera20, et que sa constance, sa grande âme, suffisent à le défendre. Ainsi, dans nos jeux sacrés, la plupart des vainqueurs n’ont ravi la palme qu’en fatiguant par leur opiniâtre patience les bras qui les frappaient. Comptez le sage au nombre des athlètes qui, par un exercice long et constant, ont acquis la force de supporter les coups et de lasser le bras de leurs adversaires.

X. La première moitié de ma tâche étant achevée, passons à la seconde, où, par des preuves, dont quelques-unes sont nouvelles, mais dont la plupart sont déjà connues, je ferai voir le néant de ce qu’on appelle une offense. C’est moins qu’une injure : il est plus aisé de s’en plaindre que de s’en venger, et les lois mêmes ne l’ont pas trouvée digne de leur animadversion. Le ressentiment de l’offense tient à un manque d’élévation dans l’âme que froisse un procédé, un mot peu honorable. Cet homme ne m’a pas reçu aujourd’hui, quoiqu’il en reçût d’autres ; quand je parlais, il tournait dédaigneusement la tête, ou il a ri tout haut ; au lieu de m’offrir la place d’honneur, c’est la dernière qu’il m’a donnée ; et autres griefs de cette force. Que sont ces misères, sinon les plaintes d’un esprit blasé, dans lesquelles tombe presque toujours la délicatesse des heureux du siècle ? A-t-il le loisir de remarquer ces riens, l’homme que pressent des maux plus sérieux ? Des âmes inoccupées, naturellement faibles et efféminées, que l’absence de tracasseries réelles rend plus irritables, voilà celles qui s’en émeuvent ; et encore, la plupart du temps, tout naît d’une fausse interprétation. Il témoigne donc peu de prudence et de confiance en lui-même, celui qui s’affecte à si bon marché ; il ne doute pas qu’on ne le méprise, et cette poignante idée ne vient point sans un