Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/326

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demande quelque chaleur d’exécution. Détrompez-vous, vous qui croiriez qu’en aucun temps, en aucun lieu elle puisse être utile, considérez sa rage, cette rage effrénée, son esprit de vertige ; ne la séparez point de son appareil favori ; rendez-lui ses chevalets, ses cordes, ses cachots, ses croix, ces feux qu’elle allume autour des fosses où sont à demi enterrées ses victimes ; ces crocs à traîner les cadavres, ces chaînes de toute forme et ces supplices de toute espèce : fouets déchirants, brûlants stigmates, loges de bêtes féroces. Placez, au milieu de ces attributs, la colère poussant d’aigres et épouvantables frémissements, et plus horrible encore que tous les instruments de sa fureur.

IV. On contestera, si l’on veut, ses autres caractères, mais tenons pour certain, comme je l’ai montré dans les livres précédents, que rien ne révolte autant les regards que ce visage menaçant et farouche, tantôt pâle, par le refoulement subit du sang vers le cœur, tantôt devenant pourpre et d’une teinte sanglante par l’excessive affluence de la chaleur et des esprits vitaux ; que ces veines gonflées, ces yeux roulants et s’échappant presque de leurs orbites, puis fixes et concentrés sur un seul point. Impatientes de dévorer leur proie, les dents se choquent avec le grincement du sanglier qui aiguise ses défenses ; on entend crier les articulations de ses mains contractées, dont l’insensé frappe à chaque instant sa poitrine. Ajoutez encore sa respiration entrecoupée, ses pénibles et profonds gémissements, l’agitation de toute sa personne, ses discours traversés d’exclamations soudaines, ses lèvres tremblantes, comprimées par intervalles, et d’où s’échappe je ne sais quel sifflement sinistre. Oui, le tigre lui-même, que tourmente la faim ou le