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A LUCILIUS. — XCIV.

« Les lois, dit-on, ne nous font pas faire ce que nous devons ; et que sont les lois, sinon des préceptes mêlés de menaces ? » — D’abord, c’est précisément parce qu’elles menacent, que les lois ne persuadent pas ; mais les préceptes ne contraignent pas, ils cherchent à persuader. Ensuite les lois nous détournent du crime, les préceptes nous exhortent au devoir. Ajoutez à cela que les lois aussi servent aux bonnes mœurs, surtout quand non-seulement elles commandent, mais encore qu’elles instruisent. En ce point je diffère de Posidonius, qui s’exprime ainsi : « Je n’approuve point les principes mis devant les Lois de Platon. Il faut qu’une loi soit brève, pour que les ignorants la retiennent plus aisément. Comme un oracle céleste, je veux qu’elle ordonne, et non qu’elle discute. Je ne trouve rien de plus froid, rien de plus inepte qu’une loi avec un préambule. Avertissez-moi ; dites-moi ce que vous voulez que je fasse. Je ne suis pas ici pour apprendre, mais pour obéir. » Je réponds : Les lois influent sur les mœurs, et vous verrez toujours dans les États les mauvaises mœurs compagnes des mauvaises lois. « Mais les lois, reprend Ariston, n’améliorent pas également tous les hommes ! » Il en est ainsi de la philosophie ; mais il ne s’ensuit pas que, pour former les mœurs, elle soit inutile et sans efficacité. Or, qu’est-ce que la philosophie, sinon la loi de la vie ? Mais supposons que les lois n’influent pas sur les mœurs ; il n’en faut pas conclure que les avis n’influent pas non plus sur elles. Autrement il faudra dire également que les consolations sont inutiles, aussi bien que les remontrances, les exhortations, les réprimandes et les éloges. Ce sont autant d’espèces de préceptes, et par elles l’esprit parvient à l’état le plus parfait.