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LETTRES DE SÉNÈQUE

Rien n’insinue plus fortement la vertu dans les cœurs, rien ne ramène plus énergiquement au droit sentier ceux qui chancellent et penchent vers le mal, que le commerce des hommes vertueux. Leur entretien pénètre insensiblement notre âme : les entendre souvent, les voir souvent, produit l’effet de préceptes. Oui, j’aime à le dire, la seule approche des sages nous fait du bien ; et le silence même d’un grand homme n’est pas sans profit pour nous. Il ne m’est pas si facile de vous dire comment je profite que de sentir que j’ai profité. « Certains animalcules, est-il dit dans le Phédon, font une piqûre qui ne se sent pas, tant leur dard est délié et nous déguise le danger ! La tumeur manifeste la piqûre, et dans la tumeur même la blessure est imperceptible : emblème du commerce des sages : vous n’apercevez ni comment ni quand il vous fera du bien ; vous sentirez qu’il vous en aura fait. »

A quoi tend ce discours ? direz-vous. A ceci : les bons préceptes, s’ils sont souvent présents à votre esprit, vous feront autant de bien que les bons exemples. Pythagore dit « que l’âme se modifie quand on entre dans les temples, quand on voit de près les images des dieux, et qu’on attend la réponse de quelque oracle. »

Et qui pourrait nier que certains préceptes ne frappent, d’une manière efficace, même les plus ignorants ? Par exemple ces maximes concises, mais d’un grand poids :

…… Rien de trop !
L’avare d’aucun gain n’est jamais rassasié.
Attends d’autrui ce que tu fais aux autres.