Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
43
A LUCILIUS. — XCIV.

courent avec une vitesse constante ; les éclipses du soleil et de la lune en opposition réciproque ; enfin d’autres phénomènes, non moins dignes d’admiration, soit qu’ils se manifestent suivant un ordre régulier, soit qu’ils apparaissent produits par des causes cachées, comme les traînées de feu pendant la nuit, les éclairs qui, sans coup et sans bruit, entr’ouvrent la voûte céleste, les gerbes, les colonnes et autres météores ignés.

Voilà le grand spectacle que la nature a mis au-dessus do nos têtes : mais l’or et l’argent, puis le fer que l’or et l’argent ne laissent jamais en paix, elle les a cachés comme des objets funestes qu’on ne pouvait nous confier sans inconvénient. C’est nous qui avons exhumé et produit à la lumière ces causes de nos combats. Nous avons creusé la terre, nous en avons soulevé les masses, pour en tirer les motifs et les instruments de nos dangers ; nous avons fait la fortune arbitre de nos maux ; et nous ne rougissons pas de mettre au plus haut rang des choses qui étaient enfouies au plus profond de la terre. Voulez-vous savoir combien vos yeux sont déçus par un faux éclat ? Rien de plus sale, rien de plus obscur que ces métaux, tant qu’ils gisent plongés et enveloppés dans leur fange. Comment ne le seraient-ils pas, quand on les extrait à travers les ténèbres d’interminables souterrains ? Rien de plus hideux, tandis qu’on les fabrique et qu’on les sépare de leur lie. Enfin considérez les ouvriers dont les mains purgent d’impuretés cette espèce de terre informe et stérile, vous verrez de quelle suie ils sont souillés. Mais ces métaux eux-mêmes souillent encore plus les âmes que les corps ; le possesseur en est plus sali que l’ouvrier.