Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/4

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appellent vers mille points opposés, on consume dans de vains écarts cette vie déjà si courte, alors même que l’on consacrerait ses jours et ses nuits à l’étude de la sagesse. Déterminons donc la fin et les moyens, non sans consulter un guide expérimenté qui ait déjà exploré cette route où nous devons marcher ; car les conditions de ce voyage sont tout autres que celles d’un voyage ordinaire, où un sentier battu, les indications fournies par les gens du pays, empêchent qu’on ne s’égare : ici ce sont les chemins les plus suivis et les plus fréquentés qui trompent le mieux. Ainsi, par dessus tout, gardons-nous de suivre en stupide bétail la tête du troupeau, et de nous diriger où l’on va plutôt qu’où l’on doit aller. Or il n’est rien qui nous jette en d’inextricables misères comme de nous régler sur le bruit public, regardant comme le mieux ce que la foule applaudit et adopte, ce dont on voit le plus d’exemples, et vivant, non pas d’après la raison, mais d’après autrui. De là ce vaste entassement d’hommes qui se renversent les uns sur les autres. Comme en une déroute générale