Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/76

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mais ce qu’il défend, c’est la possession inquiète, et non la possession elle-même ; il ne repousse pas ces choses, mais si elles se retirent de lui, il les suit dans leur retraite d’un œil tranquille. Où la fortune déposera-t-elle ses richesses plus sûrement que chez l’homme qui les lui rendra sans murmure ? Quand M. Caton louait Curius, et Coruncanius, et ce siècle où l’on était coupable aux yeux du censeur pour posséder quelques lames d’argent, lui, Caton avait quarante millions de sesterces : moins sans doute que Crassus, mais plus que Caton le censeur. C’était, si l’on compare, dépasser son bisaïeul de bien plus que lui-même ne fut dépassé par Crassus ; et si de plus grands biens lui étaient échus, il ne les eût pas dedaignés. Car le sage ne se croit indigne d’aucun des dons du hasard ; non qu’il aime les richesses, mais il les préfère : ce n’est pas dans son âme, c’est dans sa maison qu’il les loge ; il n’en répudie pas la possession, mais il les domine : il n’est point fâché qu’une plus ample matière soit fournie à sa vertu.


XXII. Eh ! qui doute que pour le sage il n’y ait plus ample matière à déployer son âme dans la richesse que dans la pauvreté ? Toute la vertu de celle-ci est de ne point plier ni