Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/114

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facile, tantôt accompagnée de douleur et de tortures. C’est à vous à délibérer, à bien peser votre décision. Si l’entrée vous sourit, voyez quelle issue vous menace. J’entends votre réponse : « Pourquoi ne choisirais-je pas de vivre ? Ah ! plutôt repoussez une existence où la moindre perte vous est si cruelle ; sinon, subissez les lois que vous êtes convenue de subir. — Mais nous n’avons pas été consultés. — Nos parents l’ont été pour nous : ils savaient à quelles conditions on reçoit la vie, et ils nous l’ont donnée.

XIX. Mais, venons aux motifs de consolation, et voyons quels maux il faut guérir, et par quels moyens. Les larmes, les amers regrets tiennent à ce que celui qu’on aimait n’est plus : regrets, en apparence excusables. Mais les absents, ou ceux qui vont l’être, tant qu’ils vivent, nous ne les pleurons pas, bien que nous soyons entièrement privés de les voir ou de jouir de leur société. Le mal gît donc dans l’opinion, et il ne vaut que ce que nous l’avons estimé. Le remède est en notre puissance : regardons les morts comme absents, et ce ne sera pas une illusion : nous les avons laissés partir ; que dis-je ? nous allons les suivre, ils ont pris les devants.

Mais voici un autre sujet de larmes : « Qui aurai-je pour me protéger, pour me défendre du mépris ? "Une réflexion bien peu séante, mais trop vraie, va vous rassurer. Dans une ville comme la nôtre, la perte d’enfants donne plus d’influence qu’elle n’en ôte. N’avoir plus d’héritiers détruisait jadis le crédit d’un vieillard ; c’est aujourd’hui un si grand titre à la prépondérance, qu’on voit certains hommes feindre de haïr leurs fils, méconnaître leur sang, et créer autour d’eux une solitude factice.