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Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/174

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notre empire ; je parle des Germains et de toutes ces tribus vagabondes qu’on rencontre aux environs de Pister. Sous le poids d’un hiver perpétuel, d’un ciel sauvage, ils ont pour séjour un sol avare et stérile ; un abri de chaume ou de feuillage sec les défend seul contre la pluie ; ils courent sur des marais que la glace a durcis, et font la chasse aux animaux des forêts pour se nourrir. Sont-ils malheureux ? non, il n’a point de malheur dans ce qui est devenu naturel par l’habitude, et l’on se fait à la longue des plaisirs de ce qui fut d’abord une nécessité. Ils n’ont de domicile et de demeure que celle que leur assigne chaque jour le besoin du repos ; la nourriture la plus commune est le prix de leur sueur ; ils sont exposés à l’intempérie d’un affreux climat, sans vêtements pour s’en garantir. Eh bien ! ce qui vous semble une désolation, c’est la vie de tant de peuples.

Ne soyez donc pas surpris que les gens de bien, pour être affermis, éprouvent des secousses violentes. Un arbre ne se consolide et ne se fortifie que par les assauts multipliés de l’aquilon. Ce sont ces tourmentes mêmes qui rendent sa fibre plus robuste, et sa racine plus vive et plus puissante. Ceux qui naissent dans les vallons abrités sont fragiles. Il est donc de l’avantage des gens de bien, pour qu’ils soient sans peur, de vivre habituellement parmi des objets d’effroi, et de souffrir avec une âme impassible ces maux qui n’en sont pas, si ce n’est pour l’homme qui ne sait point les supporter.

V. Ajoutez que l’intérêt général exige que les gens de bien soient, pour ainsi dire, toujours sous les armes et en action. Le but de Dieu, comme celui du sage, est de montrer que les objets des désirs et des craintes du vulgaire ne sont ni de vrais