Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/180

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éclat emprunté. Les biens que je vous ai donnés sont permanents et durables : plus vous les examinerez sous toutes les faces, plus vous y découvrirez de grandeur et de perfection. Je vous ai accordé de braver tout ce qu’on redoute, de mépriser tout ce qu’on désire. Votre éclat n’est point au dehors ; tous vos biens ne regardent que l’intérieur. Ainsi le monde ne daigne rien voir hors de lui, et jouit dans la contemplation de sa propre harmonie. J’ai placé tous vos avantages au dedans de vous. Votre bonheur consiste à pouvoir vous passer du bonheur. — « Mais il arrive des afflictions, d’affreux revers, de rudes épreuves ! » — Je ne pouvais vous y soustraire, j’ai armé votre âme. Souffrez donc courageusement : c’est par là que vous pouvez être supérieurs à Dieu même. Il est à l’abri des maux ; vous les surmontez. Méprisez la pauvreté ; on ne vit jamais aussi pauvre qu’on le fut en naissant. Méprisez la douleur ; elle finira, ou vous finirez. Méprisez la fortune ; je ne lui ai pas donné de trait qui atteignît l’âme. Méprisez la mort ; c’est le terme, ou le changement de l’existence. J’ai pourvu surtout à ce qu’il fût impossible de vous retenir malgré vous dans la vie ; vous pouvez toujours en sortir. Si vous êtes las de combattre, la fuite est permise : voilà pourquoi, de toutes les nécessités auxquelles je vous ai soumis, il n’y en a pas que j’aie rendue plus facile que la mort. Votre être est placé sur une pente, Un mouvement naturel l’entraîne. Regardez un peu, vous verrez combien est courte et dégagée la voie qui mène à la liberté. J’ai voulu qu’il n’y eût pas besoin d’autant d’efforts pour sortir du monde, que pour y entrer. La fortune vous aurait tenus esclaves, si l’homme avait autant de peine à mourir qu’à naître. Tous les temps, tous les lieux peuvent vous apprendre combien il est facile de