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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/132

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de le soupçonner ; et le premier inconsidéré pouvoit,
comme le plus profond politique, proposer des conventions
et donner des préceptes. Il falloit même les adopter
quels qu’ils fussent ; parce que l’on ne pouvoit s’en passer,
on ne s’arrêta pas à en chercher de bons ; et parce que

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leur objet même exigeoit qu’ils fussent vénérés et
inviolables, on s’attacha moins encore à les réformer [S 1].
Plusieurs autres causes ont concouru à ce malheur

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presqu’inévitable, et nous voyons les phi|losophes mêmes
parmi les Grecs occupés très-long-tems de recherches

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abstraites, d’hypothèses physiques et surlunaires, avant d’en
venir à la terre et à l’homme. C’est à peu près ainsi qu’ils
écrivirent en vers [S 2] dans les premiers tems, et semblèrent
ne descendre à la prose que difficilement et à regret.
L’homme n’est point bon, il n’est point méchant. L’on

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se trompe également dans ces deux assertions, parce que
l’on confond l’homme actuel avec l’homme en général ;
parce que l’on attribue à un principe absolu et primitif des
modifications accidentelles ; parce que l’on transporte à
l’homme seulement homme, des altérations passagères


[JM 1]

  1. C’est par ces sortes de raisons qu’il y a moins de connoissance
    du cœur humain dans nos livres d’histoire et de morale
    que dans nos drames, et surtout bien moins dans nos institutions
    que dans quelques-uns de nos romans, en petit nombre à la
    5
    vérité.
  2. Quelques auteurs, à qui il faut du moins savoir gré de
    n’avoir pas les préjugés de l’habitude, en ont conclu sérieusement
    que le langage mesuré étoit apparemment plus naturel à l’homme,
    comme si jamais aucun peuple avoit habituellement parlé en
    5
    vers.

    sans le soupçonner. Un chef entreprenant, pouvoit aussi bien que le politique le plus profond, proposer des réglemens et donner des préceptes. Souvent même il falloit qu’on les adoptât quels – 43. qu’on – 44. s’arrêtoit guères à – 46. s’attachoit – réformer.

  1. C, XXe Rêv., p. 126 = l. 55 et l. 69-80. – 55. bonméchant ;