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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/133

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comme les lois de convention qui, après les avoir long-
tems supposé, les produisent enfin ; et parce que l’on juge
dans le rapport social ou dans les vues particulières de
telle ou telle législation, ce qui ne doit être considéré
que dans le rapport de l’homme au reste de la nature.

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Ce que nous nommons mauvais ou bon est toujours ce
qui nuit ou convient à l’ordre que nous voulons établir ;
ordre momentané que la nature n’a pas préparé positivement,
quoiqu’elle l’ait laissé possible.
L’homme est ce qu’il doit être. Ses penchans, déterminés

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par ses besoins et dès-lors effets immédiats de sa
nature, ne peuvent être mauvais et bons que relativement
à une situation particulière. Ils sont essentiels, indélébiles.
Vous voulez faire l’homme ce qu’il ne doit point
être, et vous appelez méchanceté originelle la résistance

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que vous éprouvez en sa nature ; mais modelez sur elle
vos institutions, et vous trouverez que l’homme, comme
toute autre partie de l’universalité des choses, est
nécessairement bon, non point selon des convenances factices
ou les caprices d’un législateur, mais selon ses rapports

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dans l’ordre général.
Si la résistance est inévitable et toujours victorieuse de
nos funestes efforts, et que nous disions, l’homme est
donc né méchant, nous ressemblons à l’insensé qui,
s’obstinant à suspendre une pierre ou une colonne d’eau,

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accuseroit de dépravation naturelle la pierre | parce qu’elle
tombe, et l’eau parce qu’elle se nivelle.
Dans l’alternative de plier la nature à nos caprices ou


    – 69. il est – 70-1. déterminés immédiatement par ses besoins, ne peuvent être dépravés que – 72. particulière ; ils ne sont pas même louables, ils sont – 73. qu’il n’eût pas dû – 75-6. que sa nature vous oppose. Mais fondez vos institutions sur les bases premières, et vous – 76-7. ainsi que toute – 77-9. est bon selon