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ONZIÈME RÊVERIE

On a dit que l’habitude convenoit aux ames foibles, et
qu’elle les affoiblissoit tous les jours davantage [S 1]. Je veux
qu’il en soit ainsi. Qu’importe que des hommes foibles

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reposent au sein de leurs goûts et s’abandonnent à la
facile habitude ? Que pouvez-vous prétendre d’eux, sinon
que leur foiblesse du moins ne soit pas vicieuse ? Faites-
leur donc des habitudes qui soient bonnes et à eux et à
l’état. Leur foiblesse même vous est un puissant moyen

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d’établir des mœurs publiques. La majorité les maintiendra
par besoin : alors les ames fortes les suivront par
choix, et cette activité qui eût pu les renverser
s’emploiera d’elle-même à veiller pour les soutenir.

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Quant aux ames fortes, elles ne s’affoibliront point par

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l’habitude ; elles n’en prendront que pour les petites choses
dans lesquelles elles étoient déjà foibles, parce que, sûres
de leurs moyens, elles ne déployent jamais une énergie
superflue.


[JM 1]

  1. Au reste ce que j’entends ici par habitude, n’est pas ce que
    J. J. rejette avec tant de raison. Emile. Liv. II. Note 31.
  1. C, Xe Rêv., p. 57 sq. = l. 2-23. – 3-6. d’avantage. Si même il en est
    précisément ainsi, je ne vois pas beaucoup d’inconvénient à ce que des hommes foibles s’abandonnent aux facilités de l’habitude, et trouvent du repos à suivre leurs goûts. Que pouvez-vous – 8. leur des – 8-9. et pour eux, et pour l’État. Vous avez dans leur foiblesse même un puissant – 11. maintiendra seulement par besoin : mais, parce qu’elles seront bonnes, les ames fortes – 12-3. renverser, se consacrera d’elle-même – 14. Les ames mâles ne seront point affoiblies par – 15. pour ces – 17. elles