Aller au contenu

Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
Nos peuples modernes se ressemblent tous dans la

120

monotonie de leurs usages : cependant on reconnoît chez
eux cette force de l’habitude ; quel seroit son pouvoir chez
ceux qui auroient une législation et des mœurs, non des
usages et des réglemens ?
Heureux le peuple qui, possédant une terre nouvelle

125

sous un ciel favorable, a reçu de la nature tout le
physique du bonheur, et n’a plus qu’à l’affermir sur la base
morale d’une véritable institution. Il est peut-être plus
naturel d’être vertueux dans les contrées sublimes, et plus
doux encore de vivre heureusement sous un ciel facile.

130 [183]

Mais une contrée muette | ou sinistre, un climat polaire,
un ciel brumeux contristent l’homme : leur âpreté n’offre
que des difficultés à vaincre, et ne laisse au desir, comme
à l’industrie, d’autre objet que l’adoucissement des maux.
Cependant sur ces terres désolées nos misères seroient

135

tolérables, si nos erreurs ne les aggravoient ; elles seroient
oubliées peut-être, si dans l’unité d’intérêts et d’efforts
nous savions les adoucir par tous les moyens qui sont en
nous.
Les peuples chez qui les usages ne sont point des

140

modes, et qui suivent dans les détails de la vie une habitude
constante, ont seuls des mœurs caractérisées et
durables. C’est la permanence des mœurs qui fait la durée
de la législation et de l’existence civile d’un peuple.
Vingt nations successives seront oubliées avant que les

145

Parsis ou les Juifs aient cessé d’être ce qu’ils sont depuis


[JM 1]

    tions vertueuses et un bonheur facile. *Nos peuples – 119-20. tous ; les nations comme les individus suivent l’usage. Cependant – 120-1. chez ces peuples même la force des habitudes ; quel en seroit le pouvoir – 122-3. mœurs, et non des modes ou des réglemens ?

  1. C, XIXe. Rêv., p. 119-121 = l. 139-192 et 206-207. – 140-1. suivent des habitudes constantes jusques dans les détails de la vie, ont seuls – 142-52. qui soutient la législation et l’existence civile d’un peuple. Il faudroit à