Aller au contenu

Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
possessions, par ses privilèges de citoyen, par des
convenances accidentelles. Il ne quittera pas son pays, mais il

195

en négligera les usages, il en oubliera l’esprit particulier :
citoyen au-dehors, il ne sera en effet qu’un habitant, un
étranger. Tout se rapprochera et se confondra. Il arrivera
dans les corps politiques ce que l’on voit dans les
mélanges de diverses matières hétérogènes, mais non

200

essentiellement inalliables. Dans la confusion elles
se corrompent, et loin que ces diverses parties
inconsidérément mélangées réunissent leurs qualités utiles
dans le tout incohérent qu’elles composent, elles
n’ont formé au contraire qu’une masse indigeste et

205

stérile.
La conformité des habitudes et des besoins est le seul
véritable lien parmi les hommes. Sans l’union, sans la paix
réelle, il n’est pas de bonheur général ; cette paix, cette
union sont impossibles entre des hommes qui ne sont

210

point égaux ; et quelle égalité peut-on jamais prétendre
hors de cette simplicité primitive qui suffisant à tous les

[187]

besoins, dans une abon|dance limitée puisqu’elle est égale,
donne l’usage sans faciliter l’abus, ne fatigue point par
des travaux superflus, n’épuise point par un luxe inutile,

215

n’énerve point par l’exagération des plaisirs d’un jour, mais
ne connoît que des travaux utiles afin que ceux-là puissent
n’être pas négligés, que des biens simples et des plaisirs
uniformes afin que tous les puissent partager, et, sans
aspirer jamais à la puissance extérieure, à la gloire, à la

220

grandeur de l’état, veut seulement qu’estimé plus que
craint au-dehors, protégé surtout par la force de résistance
des vertus mâles et indomptables, il soit sûr et heureux
au-dedans.


    206-7. Voir var. à 186. – 207. vrai lien