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- lorsque son inconséquente morale lui recommande le
- mépris de l’argent, nul n’écoute ce précepte suranné, chacun
- sent que, là où l’argent représente tout, ne pas l’aimer
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- c’est oublier ses propres besoins et sa nature, c’est
- quitter la vie réelle pour une vertu inutile, qui ne peut
- être bonne que chez les peuples prétendus pauvres, à qui
- elle convient si naturellement qu’alors elle n’en est pas
- même une [S 1]. Abandonnez le commerce aux peuples vieux
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- et sans mœurs, chez lesquels il n’est en effet qu’un
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- inconvé|nient, parce qu’il ne fait qu’accroître un mal déjà
- incurable. Il se peut même alors qu’il soit compensé par les
- commodités qu’il procure mais il ne sauroit l’être dans
- les lieux où sans procurer plus d’avantages ou même
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- autant, il introduit tous les maux de nos sociétés.
- Je veux que le commerce puisse être bon à certains
- peuples mais c’est par cela même qu’ils ne sont pas
- susceptibles d’une chose meilleure qui est de n’en avoir pas.
- C’est une suite naturelle du commerce, de nous faire
- autant, il introduit tous les maux de nos sociétés.
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- préférer les faux biens aux biens réels. En introduisant
- des productions étrangères, en excitant des arts multipliés,
- il présente aux desirs une intarissable variété d’objets.
- Dès-lors le superflu devient nécessaire, l’agréable se
- préfère à tout, le caprice est le besoin ; plus de grandeur
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- sans ostentation, de mérite sans luxe, de plaisir sans art,
- ni de vertu sans argent. Nulle chose n’est bonne si elle
- n’est étrangère, coûteuse, difficile. On prodigue beaucoup
- pour posséder très-peu ; un seul consomme en
- un moment de faste, ce qui suffiroit à plusieurs pour
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- vivre des années. Le pauvre est misérable parce qu’il
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- Une vertu est un effort difficile. Un peuple bien institué
- auroit des mœurs et non des vertus ; mais ce dernier mot est
- quelquefois employé dans un autre sens, parce que celui qu’il y
- faudroit substituer, manque à notre langue comme à nous-
- mêmes.