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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/187

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s’agrandit, les organes se fortifient, l’enfant devient homme ;

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quand elle s’affoiblit, s’épuise momentanément, l’homme
repose. Pendant le sommeil les deux principes agissent,
mais en quelque sorte à part, et d’une manière isolée ; ce
n’est que leur action mutuelle qui est presque suspendue :
dans le sommeil l’homme sent et rêve, son sang circule

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et ses alimens se résolvent en chyle ; mais ses organes
n’apportent guères de nouvelles sensations à son esprit,

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et son esprit s’exprime rarement [S 1] par ses organes. | Les
opérations des deux principes sont affoiblies en lui,
principalement parce que leur action mutuelle est suspendue.

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Si quelqu’accident vient déranger cette action mutuelle,
elle devient irréguîière et désordonnée ; sa pensée s’altère,
il est imbécille ou fou ; ou bien ses organes se perdent, il
est aveugle ou sourd. Si tous s’usent et s’oblitèrent, cet
état d’entraves et de foiblesse énerve aussi son esprit, et

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la vieillesse revient à l’enfance ; ou plutôt l’esprit épuisé
du vieillard n’est pas plus l’esprit informe de l’enfant,
qu’un corps ossifié par le travail de la vie, n’est le corps
préparé à se fortifier par elle. Lorsque la balance entre les
deux principes est inégale, l’homme est nerveux, mais

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borné ; ou foible et plein de génie. Si la balance est
disposée dans une heureuse harmonie, voilà le mortel
parfaitement constitué pour être heureux lui-même, et faire
le bonheur des hommes qu’il doit éclairer et protéger.
La constitution intérieure de l’homme le conduit à sa

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dissolution ; les objets extérieurs la hâtent sans cesse et la
précipitent souvent. Son organisation s’altère tous les
jours, et elle cesse pour jamais, quand les rapports établis
  1. Je dis guères et rarement, car l’un et l’autre arrivent encore,
    comme il est facile de le reconnoître dans celui qui parle en
    dormant, et qui quelquefois répond à ce qu’on lui dit, si les sons
    dont on frappe son oreille se rencontrent avec les impressions
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    de son idée qu’exprimoient ses paroles confuses et mal articulées.